Paradoxe : c’est à un double mouvement qu’on assiste quand on lit Charles Juliet, quand on suit son parcours : à la fois en hauteur et en profondeur. À la fois, des ténèbres vers la lumière, et vers le centre de lui-même.
On le voit se dégager de la gangue du malheur, de l’hébétude, de la grisaille et aller vers sa sérénité d’aujourd’hui. Surgir lentement, douloureusement (voir les premiers tomes de son Journal).
Et on le voit creuser en lui-même pour rejoindre son centre, pour se connaître, et simplement pour s’emparer de lui-même. Devenir ce qu’il est.
Serein !
Aujourd’hui, rien de plus facile que de l’aborder. Il parle avec facilité, et plaisir, de tout ce qu’il a traversé, lui qui fut noué, silencieux, taciturne, effrayé de tout.
Les lecteurs de Lambeaux, ce livre splendide, dédié à ses deux mères, sa mère biologique et celle qui le recueillit et l’entoura d’amour, savent d’où il vient. Et ceux de L’année de l’éveil, le premier livre où il se livra, n’ont pas oublié son passage chez les enfants de troupe, à Aix-en-Provence, première étape de sa libération.
Désarroi
Puis il y eut un moment où il lâcha tout, abandonnant ses études de médecine à l’Ecole de santé militaire de Lyon, pour entrer en écriture.
Il évoque dans son Journal ce moment de désarroi où, à la fois, il se maria, délaissa l’uniforme qu’il avait porté pendant onze ans et s’assit à sa table pour écrire. C’est le moment où son épouse (que les lecteurs connaissent tous sous les initiales ML) lui déclara à peu près : "Ecris, cherche, suis ton chemin, je m’occupe du reste". Le lui dit-elle, d’ailleurs ? Il se le demande aujourd’hui. En tout cas, il le comprit.
Les mots à conquérir
Alors, il y eut la poésie et en même temps le journal. Deux façons d’approcher de quoi ? Il l’ignorait au départ. Il y avait l’intuition de quelque chose à chercher, à entrevoir, à connaître. Avec pour seul appui le langage.
L’écriture de Charles Juliet est sobre, pure, elle fuit le pathos et les brumes. Elle cherche le mot juste, elle est le concentré d’une réflexion, un aboutissement. Et Charles Juliet d’évoquer ces longues heures d’errance où, à sa table, il attendait quelque chose, quoi ? Les mots. Le mot. Ou ses longues déambulations dans Lyon, perdu en lui-même.
Ses lecteurs sont aujourd’hui nombreux et fervents. Combien viennent vers lui, pour lui exprimer leur reconnaissance d’avoir exprimé ce qu’eux-mêmes ont eu à connaître ? En ce sens, Charles Juliet se perçoit comme une manière d’écrivain public, une voix des sans-voix.
Une nouvelle diffusion du 13 mars 2011.